Denise A. Aubertin
Née en 1933 à Boulogne-sur-Seine.
Décédée en 2019 à Paris.
Lectrice insatiable et autrice de plusieurs manuscrits, Denise A. Aubertin commence à travailler les livres à partir de 1969, sous la forme de livres-objets, appelés les Journaux impubliables. À travers des collages de photos, d’images comme des bulles de bandes dessinées ou de morceaux de textes, elle s’approprie les livres et y raconte sa propre histoire. Les Journaux impubliables sont suivis à partir de 1974 des Livres Cuits, où elle crée sa propre cuisine dadaïste en enrobant de divers ingrédients (sel, poivre, plantes aromatiques, farine, pâtes, fruits confits etc) puis en cuisant au four les livres choisis par ses soins parmi ceux qu’elle aimait.
JOURNAUX, ALBUMS ET LIVRES IMPUBLIABLES.
« Chaque Journal impubliable est constitué de huit pages cartonnées sur lesquelles l’artiste intervient. C’est directement dans la presse magazine qu’elle puise sa matière première : coupures de journaux, fragments de textes et d’images, découpes de bulles de BD et photos… Les grands titres de l’actualité médiatique sont prélevés, coloriés et repositionnés sur la page d’un journal, autrement dit coupés-collés manuellement. Elle y ajoute des éléments organiques (grains , épices, herbes…) et des résidus collectés au cours de ses déplacements (tâches de café, vin…), les rendant par nature impubliables. Mais l’essentiel est qu’elle y tient son journal personnel, nous invitant à lire ses textes entre les lignes. Elle nous livre son intimité sous forme de rébus à parcourir, bribe par bribe, en tournant les pages rigides d’un journal écrit sur un autre journal. Elle nous y dévoile son vécu dans le contexte historique et la réalité politico-socio-culturelle rapportée par la presse. Ce composite de textes, d’histoires personnelles et de condiments divers nous fait suivre son chemin au fil des années. Ces journaux sont les témoins d’un temps vécu, de moments figés dans le présent de l’actualité.
Par la découpe de leurs pages, les parties lisibles des collages, les fragments manuscrits et les effets de matière, ils nous entraînent dans une lecture chargée de sens, d’une complexité infinie. »
Youri Vincy, juin 2006
"Je me mis à sculpter des livres. Je frottais des livres ouverts sur le balcon boueux, les laissais passer la nuit sous la pluie et dans le vent, j'en faisais séjourner dans la cuisine, tout près du fourneau, pour qu'il soit aspergés de graisse, puis, par-dessus les pages maculées d'une "crasse symbolique", j'écrivais mon journal, à l'aide d'images que je m'appropriais. Bientôt, je devais trouver la solution d'un moyen d'expression très personnel."
"Livres fermés, toutes pages collées... puis parfois rouverts de force plusieurs mois plus tard, d'où étranges arrachements, pages, phrases, mots se chevauchants... livres sculptés, creusés... Livres jetés dans la cage des hamsters... Livres dont la couverture est transformée... Livres emportés en voyage avec empreites des lieux... livres cuits au four, enrobés de farine avec divers ingrédients de cuisine...
... Ou le livre reste fermé, DE FORCE, toutes pages collées, verrouillé, enchaîné, que sais-je ? Interdit. LE CONTENU "support absolu des pensées et des connaissances" rayonne alors d'une force magique; alliance de mystère et de rêve. Les "LIVRES CUITS" appartiennent à cette catégorie : "les livres impossibles à lire". Je les confectionne à la cuisine, avec de la farine et divers ingrédients comestibles (conservables). Ensuite je les passe au four préchauffé, utilisant ainsi les ressources du hasard de la cuisson, qui confère à chacun sa qualité "d'exemplaire unique"...
... Ou le livre reste ouvert, et le CONTENU enchanteur est offert mais... il me déçoit quelque peu, car des années, des jours, voire seulement des heures ont passées depuis qu'il a été écrit; il me prend l'envie irrésistible d'y superposer ma version personnelle, à l'aide de déchirures, de collages (texte ou image que je m'approprie) de réecriture, etc... Ainsi le livre (ou le journal) va pouvoir se re-lire sous un angle nouveau, simultanément littéraire, visuel, pictural, conceptuel...
"LES LIVRES IMPUBLIABLES" proposent une autre manière d'écrire un livre : par collages, sur fonds déjà imprimés, d'images et bulles de B.D., de photos, de lambeaux de textes que je m'approprie. L'ensemble racontant simultanément aves mes propres écrits, eux mêmes entremêlés, éclatés. Taches (vin, café, etc.). Effet plastique et tactile dû à la fixation de matières - reliques - sorte de "parcours". "LES LIVRES IMPUBLIABLES" résultent d'un travail sérieusement élaboré, s'apparentant au rébus."
Denise A. Aubertin (in catalogue J. Mercury, 1994)
Son œuvre est visible dans de nombreuses collections publiques et privées, en France et à l’étranger, et a notamment fait l’objet d’une exposition personnelle à la Maison Rouge en 2006.
Deux expositions personnelles de Denise A. Aubertin ont eu lieu à la galerie Lara Vincy : Journaux impubliables en 2006 et Dévorer des yeux (livres cuits et journaux impubliables) en 2011.